le VOYAGE DE THETYS
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LA NEWS DU 21 JUIN 2008
COntact : thetysmail@gmail.com

La transat'


Nous partons le mardi 3 juin 2008 de San Sebastian sur la Goméra, le vent tourbillonne dans le petit port, rendant la manœuvre scabreuse pour s'extraire de notre place sans toucher les gros yachts à moteur environnants (ce n'est pourtant pas le moment, vu ce qui nous attend ...). Enfin, après une descente de la côte est de l'île, nous mettons le cap sur Hierro, que nous passons par le nord en fin d'après-midi.

A la nuit, nous pouvons mettre le cap au 254°, direction Tobago, pointée à 2653 milles !




12 juin 2008, mi-Atlantique !


Nous voilà bien avancés … 1500 milles sont derrière nous, 1200 devant … 10 jours derrière, et on espère un peu moins devant. On navigue au milieu de nulle part, entourés de houle, de vent, de bleu, de gris, de poissons volants et de quelques sternes égarés. Jours et nuits se succèdent, siestes et quarts de nuit, on croise un bateau par jour (jamais à moins de 12 milles, souvent invisibles sans radar), et les 600 km² qui constituent notre horizon sont mouvants. Thétys flotte au milieu, et nous on vit dessus. Comme une bulle égarée …

La première partie de cette transat s’est déroulée à merveille, et la bulle est très confortable.


Les 4 premiers jours assez agités où la houle et le vent s’étaient donné rendez-vous pour nous amariner en force, ont laissé peu de place à la lecture ou autres activités nécessitant un minimum de repères gravitationnels. Et les premières questions surgissent : est-ce que nous allons trouver ça drôle longtemps d’être tout le temps ballottés ? Cependant les milles filent vite à ce rythme, et le pointage quotidien assortit de l’étude de la carte météo sont rassurants : l’anticyclone des Açores descend sur nous, et on va même mettre du sud dans notre route pour garder un peu d’air.


Et puis le pêcheur du bord amène une première note « transatlantique » dès le 2ème jour : sa première daurade coryphène nous fait le plaisir de se payer un petit surf de bout de ligne pour finir dans nos assiettes !


On attaque alors la 2ème partie de la transat : cette fois on a trouvé le filon « Alizé », c'est-à-dire un vent moyen et une houle moyenne, tous deux nous poussant à un rythme tranquille mais régulier directement vers Tobago. Le rythme « transatlantique » peut se mettre en place en même temps que nos corps se sont acclimatés au mouvement permanent et que l’on découvre LA voile de la transat : le spi ! 100m² de toile rouge se baladent en quasi-totale autonomie au bout de 3 cordages, suspendus à l’avant de Thétys. Parfaitement en accord avec les 10 nœuds de vent des périodes de petit creux, les 15 nœuds réguliers et souhaités, ou les 20 nœuds de milieu de nuit qui s’agitent pour nous faire avancer, le spi avale tranquillement ses 150 milles quotidiens, pendant que nos estomacs se remplissent de daurades et autres thons (7kg le dernier !!!), que nos esprits reposés dévorent les livres de la bibliothèque (on sait pourquoi c’était lourd !) , que les expériences culinaires se multiplient (no comment ...!!!), que le radar surveille les éventuels voisins, et que le pilote garde le cap.


Chacun son rôle à bord !





Vendredi 13 juin, 15h : pétole ! Le vent est tombé à 7-8 nœuds, pas de quoi gonfler un spi. Avant d’allumer les moteurs pour sortir de là … on sort un harnais, un grand bout qu’on laisse filer à l’eau, et c’est l’heure du bain !!! Juste un plouf dans le grand bleu, impressionnant, géant, et une eau tellement claire qu'on aurait vu se profiler les ailerons à 2km s'il y en avait eu ... Grand moment !!!



13 juin, 23h : on est tranquillement installés au poste de barre (avec coussin dans le dos et serviette sur les pieds, à observer les étoiles qui jouent à cache cache avec les nuages … grande Ourse (la casserole), étoile polaire (la plus basse), Lion (le réchaud pour la casserole) pendant que la lune illumine le ciel à l’Est, masquant toutes ses voisines. Quand tout à coup, une étoile du coté de la Polaire se met à briller fort, et … disparaît (non non, nous n’avions ni pris l’apéro ni fumé d’herbe de Provence). A peine remis, on note l’heure, notre position, et on sort même le sextant pour voir à quel angle elle se trouvait. C’est alors que se manifeste le 2ème phénomène incongru de la soirée : pas très loin de notre étoile passée aux abonnés absents, on remarque une autre lumière, assez forte mais pas très haute dans le ciel, immobile, puis qui se met à bouger d’une façon curieuse, pour disparaître derrière le spi (arrggghhhhhh) et ne pas ressortir de l’autre coté …


Toujours ni liquide ni fumée à bord, et ce n’est ni un satellite ni une étoile filante, sûr ! Donc … Bruno, qui a toute la littérature correspondante à bord hésite entre une supernova pour la première, et des petits hommes verts pour l’autre … Des recherches plus complètes sont en cours sur Internet, mais Discovery est entrée dans l’atmosphère à peu près à ce moment-là semble-t-il, de retour de son petit voyage … Enfin, si vous avez un message à passer vers l’au-delà, n’hésitez pas, il semble que la connexion wovni marche bien à bord !


Samedi 14 juin 11h : notre premier empannage sous spi (qui consiste à faire passer le spi de bâbord sur tribord ou inversement dans une grande envolée par l’avant du bateau) s’est bien passé, merci pour lui. On continue d’apprendre …


14 juin nuit : Saturday night fever !!! Alors qu'un petit 15 nœuds nous démarre la nuit sous spi, le vent monte progressivement. Vers 2h du mat', c'est soirée disco : 25 nœuds établis, on surfe à 10 nœuds, pointe à 14,5 ... Il est grand temps d'affaler notre ami spi ... Sauf qu'avec 25 nœuds de vent, on se trouve dans la zone sensible du sujet : une très jolie bulle rouge bien gonflée et très en forme pour cette soirée, et visiblement pas motivée pour redescendre à bord ! On met les gilets (manœuvre agitée à l'avant du bateau oblige), et pendant que Bruno se pend de tout son poids (le problème, c'est que même en mangeant bien, on a un peu perdu le superflu en 2 semaines ...) au bout de la chaussette, sa balise d'homme à la mer se déclenche, ajoutant gyrophare orange et sirène à l'ambiance déjà chaude ... Enfin, ça finit par descendre, et on met le génois qui nous paraît bien riquiqui dans le vent tranquillement redescendu à 20 nœuds...


Parole du mousse : "pffff, c'est nul, on n'avance plus" ... Question de la skipette (non dénuée d'humour) : "Et si on remettait le spi ?" … La question remet les choses à leur place, et on va enfin se recoucher à 3h du mat', à une vitesse "dormable" et raisonnable !

Dimanche 15 juin : 1er grain tropical de la transat, on ferme les écoutilles, et on attend que ça passe, 1/2h, vite fait bien fait, puis retour du spi à l'heure de la messe, mais pour constater que plusieurs petites déchirures se sont faites dans la partie haute du spi, probablement le fait de nos "salsas endiablées nocturnes". Enfin, ça n'empêche pas de naviguer tant qu'il est là-haut, et on profite toute la journée d'un vent un peu plus établi que les jours précédents.

Et 1er vrai coucher de soleil !!!!!!!!!! Ca paraît incroyable, mais on a toujours eu des nuages, au moins sur la zone horizon ...


Lundi 16 juin : ce matin, option bricolage : vidage des cales (Thétys refait un peu d'eau), nettoyage de la pompe de douche, réparation du spi (si on y arrive), météo ... un lundi matin quoi ...

16 juin après-midi : c’est l’heure de la « bouteille à la mer » ! Littéralement, puisque nous prenons notre plus belle plume pour lâcher au milieu de l’océan un petit message en anglais avec notre adresse mail dans une bouteille en plastique. A suivre …


Mardi 17 juin : tout va bien, et nous progressons chaque jour, même s’il nous aura fallu près de 2 semaines pour comprendre comment on enfile une chaussette (de spi) ... mais on y est arrivé !!! 2ème essai concluant  pour le boulanger du bord ... le pain tout chaud juste sorti du four avec une couche de beurre salé ... hmmmmmmmmmmmmmm !!!!!!!!! Sans compter la bonne odeur à bord !


Mercredi 18 juin : une écoute de spi filée à l'eau (que j'avais apparemment mal attachée), mais comme je suis quand même une pro, il y avait l'éternel nœud en 8 au bout, donc au moment de la remonter, on l'a bloquée dans le safran, avec un tour autour de l'arbre d'hélice ... Bruno avait déjà sorti sa bouteille de plongée (tu m'étonnes, elle est maintenant à 27° ...), mais c'est finalement avec l'appareil photo étanche, un couteau, et quelques collés-serrés sans voile ni moteur dans les vagues qu'on s'en est sorti : le bout coté nœud a filé (bonjour les écolos, en plus il était vert ...) !


Jeudi 19 juin : Bruno a réussi à bien faire marcher le dessalanisateur, du coup il a eu droit a un rab' d'eau pour ... rincer le bateau (avec coup de balai assuré) !!! Surtout que les grains s'échinent à nous passer des 2 cotés mais jamais au-dessus depuis 2 jours, à son grand désespoir. Du coup, quand même, après 16 jours de vent arrière, on a eu droit à un vrai grain avec douche intégrée (2h après le ménage environ), puis pétole, puis ... du vent de travers !!! Du coup on a ressorti la grand voile (disparue dans son sac sur la bôme depuis 13 jours) !!! Enfin, on s'occupe quoi ...




Vendredi 20 juin : l'arrivée approche, et même si on n'est pas à 5mn, on ne peut pas s'empêcher d'y penser : enfin dormir ensemble, sans houle, enfin boire un vrai jus frais, sans fruits en conserve, enfin un vrai steack, pas surgelé, enfin ... ben non, en fait, c'est tout ce qu'il nous manque, on ne va pas se plaindre, c'est quand même le grand luxe pour une transat ici : congélateur plein, douches à volonté, veilles avec radar très efficace (même les grains, il les voit avant nous !).

Samedi 21 juin, 18h (soit 14h locales) : nous entrons dans Scarborough, petit port de la côte est de Tobago. Pas un voilier en vue, un tout petit port dans lequel on est sensé mouiller (avec l’ancre) d’après le guide … 3 tentatives infructueuses plus tard, l’ancre ne veut pas s’accrocher au fond, on décide de cannibaliser la jolie bouée blanche bien posée juste au milieu de la zone et qui nous nargue depuis une heure avec son joli « Private » peint dessus … Enfin attachés, il faudra quand même sortir quelques dollars pour calmer le sympathique rasta qui n’est pas du tout d’accord … Douche, apéro (Muscat ouvert avec des voisins de ponton la veille du départ), et soirée crêpe à bord (nous n’osons pas quitter le bateau vu l’accueil …) !!! Ca ne bouge plus !!!





Dimanche 22 juin : on met le cap sur Trinidad, où nous arrivons dans l’après-midi après avoir encore récolté un joli thon et vu nos premiers dauphins depuis les Canaries, et surtout entraperçu de magnifiques baies au pied de collines toutes vertes avec une végétation tropicale qui ne demandent qu’à nous voir revenir ! … On atterrit enfin à Chaguaramas Bay, qui (toujours d’après le guide) comprend de nombreuses marinas aptes à accueillir les tourdumondistes de notre espèce. Effectivement, de nombreuses bouées (rouges et sans « Private ») nous tendent leurs anneaux. Coup de fil à la famille, premier rhum, et maxi steack !!! C’est fini !!!


Heureux de l’avoir fait, soulagés de ne pas avoir eu de problème majeur ni de situation météo difficile. L’Atlantique nous a gentiment poussé jusqu’à Tobago pendant 18 jours.

Une grande aventure, découverte de la vie à bord en version longue durée, gestion du bateau et des aléas techniques, pêche, pain, couchers de soleil et levers de lune, discussions et lectures, loin de tout et de tous, simplement là. Un grand plaisir puisque tout s’est très bien passé.


La suite de notre programme va nous permettre d’apprendre à remarcher, nettoyer (encore qu'avec les douches tropicales toutes les 2h, le nettoyage du pont ne nécessite pas trop d'effort), faire des lessives, attaquer la liste des réparations et celle des courses. Le tout à 2 à l'heure vues l'humidité et la température ambiantes. Quand on parle de tropiques, il semble qu'on soit au bon endroit. Et puis on va se mettre au rythme local, les rencontres avec les autres voyageurs qui nous entourent, apéros, repas, récits de traversée …

Et l'île est magnifique, donc dès qu'on a fini de s'occuper de nos bricoles, on devrait se diriger vers les baies proches d'ici, histoire d'apprendre à mouiller convenablement !